Une vidéo d’Emmanuelle Duez a fait l’effet il y a quelques mois d’une trainée de poudre sur les réseaux sociaux. Notre experte nous explique avec assurance les générations « Y » et « Z », en particulier vues par les « X ». Si vous n’avez pas vu, c’est par là :
Il y a du militantisme, on ne peut en douter. Une vidéo comme celle-là ne laisse pas insensible : l’énergie, la forme (ah, le modèle des TEDx), un pitch bien rôdé. « Prends ça dans ta gueule ».
Le message ne valant que par le receveur, je l’ai repris de mon point de vue. Je dois l’avouer, et l’avouer sans complexe, j’ai 49 ans. Je fais partie de cette soi-disant génération X. J’ai travaillé pour un projet de vie « classique » : créer une entreprise, avoir une famille, m’acheter un toit, partir en vacances avec mes enfants l’été (au soleil si possible) et aujourd’hui financer des études à 15 000 euros par an et par enfant. Probablement ce que les parents d’Emmanuelle Duez lui ont donné pour être ce qu’elle est aujourd’hui : Essec, Sciences Po, …
Je reviens à la vidéo.
D’abord, Emmanuelle Duez nous explique ce qu’est le regard sur des « X » sur les « Y ». Ça ne rigole pas : « La génération X, elle en a marre de la génération Y», « Je ne veux pas être un Y -dit la X-», « les X nous prennent pour des sagouins », « ils sont aigris, ont peur de la jeunesse », « ils ont peur d’être jeunes », « ils vomissent leur peur de l’avenir », « ils ne confèrent aucune intelligence à la génération qui vient », « nos parents sont des pourris gâtés », « les chefs d’entreprises sont au bord du suicide », « ils ont eu une attitude sacrificielle pour leur entreprise et pour leur travail » etc. Voilà pour l’essentiel.
Puis vient LA révolution copernicienne : « pour nous la terre est plate », « nous sommes les homo-numériques », « nous sommes les omniscients », « nous sommes les plus puissants, nous pouvons renverser un gouvernement avec notre clavier », « les diplômes ne serviront plus à rien, plus besoin d’aller à l’école », « nous serons freelance, nous apprendrons à l’entreprise et l’entreprise ne nous apprendra plus rien », « 50 % de la population a moins de 30 ans et renverse le monde».
Emmanuelle Duez conclue son propos par : « Osons la bienveillance ».
N’en jetez plus : je me suis senti laid, dépassé, au rebut. Mais je ne suis pas maso : je me suis souvenu de la parole de Serge Gainsbourg, « la laideur a ceci de supérieur à la beauté, c’est qu’elle dure ». Tout à coup, je devenais durable et j’avais le droit d’être concerné. Bien que faisant partie des 50% de l’humanité exclue car ayant plus de 30 ans, j’avais trouvé au moins une raison d’exister.
Qui peut affirmer que ces 50% de la population mondiale, jeunes de moins de 30 ans, sont semblables à notre conférencière et sont inclus dans ses définitions ? En France, une écrasante partie de la population jeune de la classe moyenne n’a connu le numérique que par les jeux vidéo, ce qui ne les mène pas automatiquement à la création de start’up. Dans le monde, que dire des chinois, des indiens, du bassin méditerranéen qui, bien que connectés aux mêmes outils, ne partagent pas le même modèle, la même relation au passé. Que reste-t-il des 50% de moins de 30 ans, obsédés par l’agilité pour manger les autres ?
Au fond, quel est ce projet de société fratricide construit dans une telle opposition, avec un tel mépris des uns pour les autres ? C’est la vraie question que je me suis posée.
Les X, eux aussi, voudraient bien faire partie du même bateau et créer ensemble et avec espérance le monde de demain. Ils ont aujourd’hui, le malaise « sacrificiel », en particulier le management intermédiaire qui est bousculé par les plus jeunes et dont l’avenir est bouché car devenu incertain. Ils portent un passé remis en question par des changements d’une grande violence. La frontière même des génération devient de plus en plus floue. Il n’est absolument pas avéré que la segmentation X, Y et Z soit une évidence et qu’il serait acquis que les uns et les autres se méprisent (lire l’excellent article d’Anthony Gutman ici).
La co-élaboration, la participation mixée et associée, le travail quotidien « réellement ensemble », la définition d’objectifs et surtout la créativité commune, la transmission partagée des Z vers les Y et les X et inversement, permettront de construire ensemble le changement pour s’adapter.
Un autre monde que celui de 1 contre 1 = 0 est possible. Peut-être celui du 1*1 = 2 ; 2.000 * 2.000 = 4.000.000.
Emmanuelle, au XIIème siècle, Bernard de Chartes disait : « Nous sommes tous des nains sur les épaules de géants », parole citée ensuite en référence par Isaac Newton et Blaise Pascal.
A vous de juger.
Il y a un commentaire pour cet article
Bravo pour ce très bon commentaire. Il ma paraît aussi dans son propos que :
1-Emmanuelle Duez dénie toute créativité à la génération X. Ce qui n’est pas adapté à des hommes comme par exemple Steve Jobs qui, si il avait déjà son modèle à l’âge de 30 ans, l’a adapté à son retour au manettes d’Apple avec le succès que l’on sait (et ce n’est qu’un exemple)
2- La conclusion est un contresens car si l’on ose la bienveillance, elle doit être réciproque. La créativité se nourrit d’un regard sans a priori sur le monde qui l’entoure. Si elle reproche aux X de ne pas être créatifs parce que hostiles, elle ne le sera pas non plus en les regardant uniquement pour les clouer au pilori……